Voir et croire


Voir et croire

L’ostension 2010 du saint Suaire de Turin, qui a été close à la Pentecôte, ne nous met pas seulement en présence d’un objet bouleversant qui évoque point par point la passion de Jésus, elle nous fait immanquablement penser au passage de l’Évangile selon saint Jean que nous lisons le matin de Pâques : le disciple bien-aimé, en présence du linceul retombé et la mentonnière encore roulée à sa place, « vit et crut ». Qu’a-t-il vu ? Il n’a pas vu la résurrection ni le Ressuscité. Il a vu que le linceul ne renfermait plus le corps de Jésus. Cette vue a déclenché chez lui le « croire ».

Le croire n’est pas du même ordre que le voir. Le disciple a vu les linges mortuaires aplatis sur le tombeau. D’autres auraient vu ces mêmes objets sans pour autant se mettre à croire. Constater l’absence du corps n’est pas croire en la résurrection. Le disciple, en voyant le linceul vide, a compris que Jésus est vivant, ressuscité. Voir est de l’ordre de la perception physique. Croire met en mouvement mon regard intérieur et ma liberté profonde.

Lorsque je suis devant le linceul de Turin, je suis devant un objet qui me parle. Les experts internationaux qui l’ont analysé sous toutes les coutures ont détaillé un faisceau d’indices qui convergent tous vers le linceul qui a enveloppé le Christ. En fait, il n’existe aucune explication alternative. Il n’y a pas la moindre trace de peinture ou de coloris. Les savants avouent ne pas connaître le procédé par lequel l’emprunte du corps a été constituée sur l’extrémité des fibres du lin, côté dos comme côté face. Un phénomène inexpliqué dans notre univers physique. Voilà l’objet qu’il m’est donné de voir. La foi ne découle en aucune façon de l’administration d’une preuve d’ordre matériel et visible. La foi renvoie à une réalité qui appartient déjà au monde à venir, le monde de la résurrection, que Jésus a inauguré pour nous. Affirmer la résurrection n’est pas affirmer un phénomène vérifiable de l’ordre sensible, c’est affirmer un événement du monde nouveau de l’Esprit. Un événement qui a laissé une trace : ce linceul sans le corps, qui est pour le disciple le signe visible que le monde nouveau de la résurrection a commencé.

Le bien-aimé savait en son cœur, par sa communion profonde avec le Seigneur, que la résurrection était inscrite dans le projet de Dieu. Qui connaît les Écritures sait que le Christ devait ressusciter d’entre les morts. Celui qui ne vit pas en communion étroite avec le Seigneur ne peut pas avoir l’illumination intérieure qui conduit à croire à sa résurrection. Le témoignage du disciple bien-aimé nous fait comprendre que la foi prend sa racine dans une communion d’amour avec le Christ. L’annonce de la résurrection du Christ, qui est la raison d’être de l’Église, ne doit pas rester une parole extérieure à ma vie. Cette annonce doit éveiller la certitude intérieure que Jésus est vivant pour moi aujourd’hui, une certitude qui change ma vie. « Si dans ton cœur tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé »(Romains 10, 9).

Votre archevêque, Roland MINNERATH

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